La Baja-California : la concrétisation d’un rêve

136 jours, 6570km 16 états et je m’en vais toucher le symbolique mur séparant le Mexique des États-unis…

La Baja California del Sur

Depuis Mazaltan, je prends un ferry vers Pichilingue pour une semaine de repos à La Paz.
Poser le vélo, prendre des douches quotidiennement et profiter d’un semblant de sédentarité me sont nécessaires dans cette vie de nomade.
Cette semaine là, j’ai le bonheur d’être rejoint par mon ami Loys et sa copine Diana.

Les batteries rechargées, je m’en vais à la découverte du sud de la péninsule.
83km vers le pacifique et la plage Los Mangos à Todos Santos.
Sur cette baie sauvage, je cohabite avec une incroyable faune.
Les baleines grises se promènent près du rivage quand les baleines à bosses envoient des 360 au large.
Les lions de mers surgissent à la surface quand les raies mantas raclent les fonds marins et les pélicans surfent sur les vagues.
Bouche-bée je profite du spectacle.

Sur cette côte désertique, je continue vers la Playa Los Cerritos.
Je campe aux côtés de quatre camping-caristes américains : Julio, Maria, Brandy et Josselin.
Ces San Diegan (habitants de San Diego) m’invitent pour un soupé de poisson. Quelle gentillesse !

Au carrefour de l’océan pacifique et de la Mer de Cortez, je campe successivement sur les plages El Tule et la Fortuna.
Ma vie rime entre les levés & couchés du soleil, faire du vélo et me baigner.
Je savoure ces campements paradisiaques tant j’en ai rêvé durant ces trois derniers mois.

Puis c’est l’heure d’entrer dans le parc protégé de Cabo Pulmo.
À la vue de la crique de Los Frailes, je décide de m’arrêter à côté d’un village de pêcheur.
Je m’en vais sympathiser avec la famille de José.
Entre anecdote et fou-rire autour d’un feu, ils m’invitent pour une partie de pêche nocturne le lendemain.
Comment refuser ?

Le plan est de partir en bateau à la tombée de la nuit pour pêcher des calamars qui serviront à attraper des vivaneaux.
En attendant, dans les cabanons je passe la journée avec ces pêcheurs.
Nous partageons la nourriture et jouons aux dominos.
Je me retrouve même à tatouer trois des pêcheurs avec mes aiguilles.
Pour sûr mon passage leur sera gravé à jamais, et à moi aussi..!
Quel beau moment passé en leur compagnie.

Le 10 Mars, je m’en vais vers Buenavista pour camper sur la plage.
Tour à tour je rencontre les promeneurs de chien.
Mike promène son chien et me propose d’aller prendre une douche.
Rebecca promène son chien et me propose d’aller manger une pizza.
Brenda promène son chien quand son mari François me propose de dormir dans le studio d’une magnifique maison. GO
En l’espace d’une heure, la bonté humaine m’est tombé sur le coin de la tête. Je n’y crois pas.

Avec mes hôtes franco-américains violoncellistes et horticulteurs de métier nous sympathisons rapidement.
Ils m’offrent le bonheur d’une journée au spa de Buenavista.
Nous partageons maintes conversations toutes plus intéressantes les unes que les autres, de vrais moments de confessions.

La simplicité et la spontanéité de ces rencontres me comblent de bonheur.
Je me fais toujours plus surprendre par l’être humain.
Et chaque lendemain une nouvelle histoire démarre.
Un bis repetita : tracer ma route, trouver de l’eau, à manger et un endroit ou dormir.
Tout ça, c’est l’essence de mon voyage, ma motivation pour continuer à pédaler.

Le lendemain bivouac par Boca Del Alamo où je peux admirer le spectacle des dauphins.
Je continue de rouler sur les pistes sableuses et cabossés de Baja Califonia.
Dans la consternation des crevaisons, je me réconforte par la beauté de l’horizon.
J’arrive à Agua Amarga où je retrouve mes amis pêcheurs.
Ils partagent leur temps entre la pêche et la gestion de leurs terres agricoles.
J’y découvre le métier d’agriculteur dans le désert.
Leur troupeau de 80 zébus s’alimentent principalement de Jicama, une sorte de pomme de terre sucrée.
J’y reçois un nouvel formidable accueil. Un grand merci à toute cette famille : José, Roberto, Joël, Jehiel, Efrain…

Après 10 jours sur le BCS (Basse-Californie du Sud), je retourne sur la Paz pour réparer mon vélo usé par le sel de mer.
Durant ces quatre jours, je suis accueilli par Tuly.
Je suis le 576ème cycle-voyageur à passer depuis 2015, c’est une vraie icône pour les vagabonds à deux roues.
Tuly fait partie de ces êtres si chères qui se donnent corps et âmes pour nous.

Durant cette halte et grâce à mes amis de La Rochelle, je pars nager avec le requin-baleine.
Incroyable de se retrouver à patauger à côté d’un poisson de 8 mètre de long.
Ce géant des mers vient se réfugier dans la mer de Cortez pour se nourrir.
Jacques Cousteau appelait cette mer « l’aquarium du monde » pour sa grande richesse.

De la Paz à Ligui

Après cette quinzaine dans le sud, je reprends la route de Tijuana.
Trois jours de lignes droites dans un décor désertique.
Escale à las Pocitas où je déguste les oeufs machakas de Susana.
Puis stop à Constitucion ou j’empreinte la plus longue ligne droite mexicaine (168km) avant d’arriver à Ligui sur la baie de Loreto.

En remontant vers Loreto, je rencontre Gerard un cyclo-voyageur philippin.
Nous retrouvons Diana et sa bande d’amis loretanos avec qui nous sympathisons.
Ré-appartenir à un groupe de temps en temps fait bien.
Et c’est le coeur lourd que je repars, ainsi va ma vie de nomade.

Mon cerveau est calibré sur un objectif : TIJUANA.
Je dois rouler vers le nord.
Halte sur la somptueuse baie de conception, à Mulege avant de rejoindre Santa Rosalia.
Cette dernière est marquée par l’occupation minière de la compagnie du Boléo (entreprise française du siècle dernier).
C’est dans ce même temps que je lance ma collection de vêtement « Mexico » pour financer l’action que je mènerai dans un orphelinat de Tijuana.

Une nouvelle fois je m’éloigne de la Mer de Cortez dans l’optique de rejoindre le pacifique.
Ce n’est pas par volonté mais par nécessité que je zigzag : il n’y a qu’un seul axe routier pour remonter vers le nord.
À San Ignacio, je découvre la magie d’un oasis au milieu de désert.
Quelle joie de trouver une source d’eau et une végétation verdoyante au milieu d’un environnement si sec.
C’est ici que je termine le bouquin « Petit traité sur l'immensité du monde » de Sylvain Tesson.

Une nouvelle escale à Alberto Andrés Alvarado Aramburo avec les policiers avant de filer à Guerrero Negro et retrouver le pacifique.
Dans cette ville connue pour ses marais salants, je suis accueilli par la famille d’Adolfo. 

La Baja California

Voilà j’y suis dans mon 16 ème état, le dernier.
Je continue ma longue traversée du désert dans la vallée de los cirios.
En pédalant, seul, je rêvasse, je fantasme sur mon propre présent, j’essaie de prendre conscience que je réalise un rêve.
Libre comme l’air, je crèche dans un Rancho à Rosarito.

À Chapala je crèche chez Eugenio, une encyclopédie sur patte, descendant d’une famille italienne ayant migré il y a plus de 100 ans.
Son grand père a quitté une Italie mal en point fin du 19ème siècle pour rejoindre les activités minières de Baja California.
Dès qu’il pu, il acheta quelques zébus et s’enfuit vivre dans ce Rancho avec une indigène mexicaine.
Qu’est ce que j’adore écouter ces histoires.

Une nouvelle fois je traverse la péninsule d’Ouest en Est pour gagner la mer de Cortez.
Je bivouaque à la Playa Del Sol.
C’est Pâques et une famille festoie, ils m’invitent pour un ceviche et m’abbreuvent de mezcal.
Oxydé je repars sous le cagnard. Je reprends des forces avec un menudo (soupe typique mexicaine).
Alors que je crève (ma roue) près de Puertocitos, un couple Californien m’autorise à dormir dans son jardin donnant sur la mer.
À San Felipe je crèche à la caserne des pompiers avant l’ultime baroud d’honneur vers Tijuana.

Face au vent, en direction d’Ensenada, je prends une stupide décision : camper dans un parc éolien.
Dans la nuit, ma tente se brise et s’en suit une belle galère pour tout maintenir à bord.
Une nouvelle centaine de km pour rejoindre Ojos Negros et dormir sur la place centrale du village.

À Ensenada, je retrouve la famille Cabral que j’avais rencontré en plein désert.
Ils me font la surprise de m’offrir l’hospitalité dans une finca de la vallée de Guadalupe.
Dans cette vallée où se produit le meilleur vin mexicain, je dors dans un baril de vin géant, un incroyable luxe.

LE TERMINUS TIJUANA

Que dire, que dire..
Je suis si content, ému, fier, heureux et reconnaissant de parvenir à cet objectif.
« Je vais de Cancun à Tijuana » - mon phrasé le plus utilisé durant 5 mois.
Et là d’y arriver, c’est OUF.

Le 24 Novembre 2020, j’ai lancé cette folle traversée mexicaine depuis Cancun.
136 jours, 6570 km et 16 états plus tard, je touche ce symbolique mur séparant le Mexique des Etats Unis.
94 jours roulés pour 69,9km de moyenne journalière et 42 jours de visite/réparation/repos.

Plus que des statistiques, ce sont des milliers de souvenirs qui se chevauchent.
Toutes ces rencontres qui ont fait de cette traversée un rêve éveillé.
J’ai tant appris sur le monde, l’humain et moi-même.
Je tiens à remercier le Mexique et tous les mexicains.

Sans oublier mon fidèle compagnon, mon bicloune chéri.
C’est le premier témoin de mes longues heures à pédaler, penser, galérer, rire, chanter, pleurer, festoyer, m’énerver, m’émerveiller…
Ce voyage c’est des montagnes russes émotionnelles.
Cette itinérance constante, c’est la belle simplicité de la vie : boire, manger, dormir et partager.
Le vélo et le vagabondage sont « mes » ingrédients pour mon épanouissement, pour une liberté qui me fait sans cesse rêver.

Seul le vélo, je ne me suis jamais senti autant entouré.
Tant par les gens du quotidien que par les messages que je reçois.
Petit je rêvais d’être journaliste/reporter, en écrivant ces mots, je réalise un rêve.

Cette arrivée à Tijuana tire la fin du chapitre mexicain.
Le livre ne fait que commencer.
De nombreuses pages restent à écrire.
Mes rêves sont ancrés à la plume.
L’encre coulera prochainement en Amérique centrale.

La première journée de la bicyclette

Après l’émotion de l’arrivée, l’émotion du partage.

Avec la vente de sweat et t shirt, j’ai pu réaliser une action qui me tenait à coeur : offrir des cadeaux aux enfants d’un orphelinat.
Au delà des cadeaux ma volonté est de partager une belle journée avec des enfants.
Cette journée c’est la concrétisation d’un projet pensé il y a plus d’un an autour du partage, de la tolérance, du dépassement de soi et de la réalisation de ses rêves.

Durant 5 jours et avec la précieuse aide de mes amis Aaron et Edgar, nous chevauchons Tijuana pour obtenir des vélos, livres, jouets, peluches, t shirt…
Le 15 Avril, direction l’orphelinat pour une magnifique journée : par ici la vidéo

Et à mon arrivée à Tijuana, j’ai été interviewé par une télé mexicaine : vidéo

Précédent
Précédent

Le Guatemala : le pays aux reliefs démesurés

Suivant
Suivant

De San Luis Potosi au Sinaloa : du désert à la mer de Cortez