Costa Rica : au pays des ticos

« Pura vida », l’expression costaricienne qui désigne la bonne vibration ambiante du pays. 900km du Nord au Sud.

J’entre au Costa Rica le cœur lourd, et la pensée très émue pour le peuple haïtien.
Poseidon pleure toute les larmes de son corps à l’heure de quitter le Nicaragua.
Une centaine d’haïtiens s’abritent sous le poste frontalier de San Pancho.
Des bébés pleurent, les passeports valsent, le brouhaha règne.
Sous ma cap de pluie et ma curiosité bien trempée, je m’intègre dans un petit groupe. 

« D’où venez-vous ? » (je commence en espagnol)
« Nous sommes haïtiens mais arrivons du Chili» (et la conversation se poursuit en français)
« Jusqu’où allez-vous ? »
« le Mexique puis nous essayerons de passer aux Etats-Unis »
« Mais depuis combien de temps avez-vous quitté le Chili ? »
« 20 jours que nous voyageons entre bus et poste de frontière »
« Quelqu’un organise votre traversée ? »
« Nous payons des passeurs, nous en sommes à 2 000$ par personne ». 

Ces jeunes parents m’expliquent avoir quitté Haïti pour le Chili, suite aux catastrophes naturelles ravageant leur pays. 
Depuis 2020, ce pays d’Amérique du Sud leur demande l’exil. 
Une seule solution, migrer, migrer pour vivre, migrer pour survivre. 

Confronté à la triste réalité des flux migratoires de notre monde, je salue mes compagnons d’infortunes.
Ils me souhaitent bon courage et me demandent de faire attention dans ces pays qu’ils considèrent « très dangereux ». 
Au même moment, un camion d’ouvriers hurlent et rient en pointant du doigt le groupe dans lequel je me trouve. 
Je suis dégoûté par ces piètres comportements. 
Je doute que ces ouvriers nicaraguayens prennent conscience de l’humiliation racistes qu’ils infligent. 
Je doute que ces ouvriers comprennent que leurs propres frères subissent les mêmes exactions plus au nord.
Dans l’incompréhension, je m’en vais, triste par cette sombre image de l'être humain.

À Los Chiles je change mes córdobas en Colonnes et me procure une carte SIM costaricienne, mon rituel à l’entrée dans un nouveau pays. 
Je file vers la réserve de Cano Negro. 
Les rivières et fleuves se mêlent aux champs et lagons, l’eau abonde, Google Maps me signale des zones inondées mais ça passe ! 
Le soir, je retrouve la bonté humaine en rencontrant Nino qui m’offre l’hospitalité. 

Le Volcan Arenal et son lac artificiel 

Dans un temps grisonnant et sur un terrain gravillonné, je me jette vers la vallée d’Arenal. 
Bien que la pluie s’affaisse sur mes cheveux gras, je suis conscient de ma bénigne liberté. 
Je chante un tue-tête mon versus préféré : 

« J’aime pédaler, sentir c’te liberté effleurer mes pensées 
Quand j’pédale, j’suis dans ma bulle comme un funambule
Quand j’pédale, j’imagine des milliers d’projets
Quand j’pédale, j’pense à ma mamaaaan » 

Sur les bords du lac Arenal, je plante ma tente sous les salutations des petites loutres. 
Ce lac artificiel est une prouesse d’ingénierie vieille de 60 ans. 
Un village a péri sous la masse d’eau ou des turbines ont été installées. 
Ce système permet d’alimenter la région en électricité. 
Le surplus d’eau est acheminé vers la région agricole de Guanacaste. 
Fort ces costariciens ! 

En pédalant vers la Fortuna, j’effraie une bonne femme lorsque mon pneu explose. 
Rien à faire, je dois faire du stop pour rejoindre la prochaine ville. 
Deux anges d’Heredia, Mario et Sonia s’arrêtent et m’emmènent.

Je troque le vélo pour le bâton de marche

Je décide d’aller me reposer à l’auberge Rio Danta à la Fortuna.
Dans cette ville, quand le brouillard disparaît, le gigantisme Volcan Arenal pointe le bout de son nez. Merveilleux.
Je profite des eaux thermales du Rio Chollin et de la piscine naturelle du Rio la Fortuna “El salto” en compagnie d’amis israélien, bolivien, péruvien & colombien.

Puis Juan, un andalou débarque dans ma chambre déterminé à saigner les sentiers de randonnée. J’aime l’idée. 
Pendant un tournoi international de Ping Pong, nous créons notre team avec le québécois Joël et la russe Kamila. 
Une première ascension au cœur de la jungle du cerro el Chato où dort un merveilleux lagon émeraude à son sommet. 
Le lendemain, les guiboles usées, Juan et moi attaquons la dantesque ascension du volcan Arenal. 

Ce volcan a la particularité d'avoir été découvert lors du siècle dernier.
Auparavant les habitants le surnommaient "la montagne". 
En 1968, une dramatique éruption tue 78 ticos et ravage un village. 
Depuis 2010, le volcan est endormi. 
Pour grimper à son sommet,  1400m de dénivelé positif en 5km.
Là où la brume se mêle à la dense végétation, le sol terreux et glissant laisse place aux résidus de laves. 
Les odeurs de souffre marquent l'arrivée au cratère. 
Dans un courant d’air chaud, nous cassons la croûte. 
Tout là haut perché, une sensation d’être dans un autre monde, une visibilité biaisée par les nuages, mais la fierté d’en être arrivé. 

Direction la capitale San José 

Courbaturé par ces jours de randonnées, je peine à tracter ma carcasse. 
Sur les affligeants pourcentages costariciens, je croise serpents et tantales d’Amérique. 
À l’approche de San Ramon, boosté par les sympathiques klaxons, j’arrive à Los Palmitos. 
La famille de Pablo, Nella, Isaac et Daniel m’ouvrent ces portes. 
Ils ont découvert mon aventure via la vidéo de Chepeando au Nicaragua, le monde est petit ! 

Ma théorie des klaxons 

1) Un klaxon long : le véhicule transmet son agacement par ma présence, moi il m’énerve et je souhaite qu’une chose « en venir au main »
2) Un klaxon furtif : le véhicule marque sa présence et souhaite me prévenir, j’apprécie sauf quand le coup de klaxon est réalisé à mon niveau, dans ce cas il m’effraie et peut me déséquilibrer 
2) Un klaxon répété : le véhicule souhaite m’encourager, c’est clairement mon préféré, je répond systématiquement par un geste de la main ou en hurlant ma joie 

J’embraye ensuite vers la Ciudad Colon. 
Pedro, un chilien membre d’une communauté de cyclo-voyageur m’accueille dans une magnifique maison. 
Ingénieur forestier, il a construit sa maison à base de cyprès et de matériel de récupération. 
D’ici je prépare une nouvelle journée de la bicyclette. 

El Dia de la Bicicleta : Santa Ana 06/08/2021

Depuis quelques semaines, je suis en contact avec l’Aldeas Infantiles SOS de Santa.
Une ONG qui veille à protéger les enfants en situation de détresse ou de danger. 
Les éducateurs œuvrent à offrir une vie décente à chacun de ces petits êtres : éducation, scolarité, logement, amour, suivi psychologique… 

Durant ces journées de la bicyclette, je partage mon quotidien de cyclo-voyageur, des joies aux galères, de la France au Costa Rica, des milliers de rencontres aux spots merveilleux, d’une vie sur la route. 
J’essaie de leur partager mon rêve pour les amener à rêver eux-mêmes, de leur donner un message positif de notre monde. 
Parce que oui, bien que le monde ne soit pas tout rose, notre planète est remplie de bonnes âmes. 
Je crois fort en l’être humain, et ce voyage m’a confirmé le bien-fondé de cette croyance. 

Voir ces enfants avec des grands yeux étonnés quand je leur raconte des anecdotes me touche.
La chaleur des remerciements m’émeut toujours autant. 
Entendre du personnel encadrant que cet événement leur permet d’aller de l’avant me donne juste envie de réitérer ces actions encore et encore. 

Plus j’avance, plus ce voyage se transforme en mission. 
Aider à la construction d’un monde meilleur en continuant de réaliser mes rêves.
J’ai des centaines d’idées, tout ne fait que commencer. 
Un grand merci au Rotary de Fontenay le Comte qui m’a accompagné pour cette journée costaricienne. 

Une virée sur la côte pacifique 

Par Santiago de Puriscal, je descends les montagnes pour rejoindre Orotina. 
Ici vit Philippe, un français exilé. 
De sa vie de maréchal ferrant en France à celle d’hôtelier au Costa Rica, il me conte ces voyages en vélo réalisés au début du siècle en Amazonie. 
C’est aussi un réel plaisir de partager une soirée en français, de pouvoir choisir le mot exact sur chacune de mes pensées. 

À l’heure de gagner la côte pacifique, je traverse le Rio Tarcoles.
Depuis le pont, des dizaines de crocodiles se prélassent. Je vois enfin ces reptiles depuis mon bicloune, j’en rêvais. 
Vers Jaco, j’assiste au bal de Lapas. 
Ces magnifiques perroquets de pirates dévoilent leurs ailes rouge, jaune, vert et bleu. Incroyable ! 

Je campe successivement à Playa Hermosa et Playa Esterillos. 
Quel kiffe de retrouver le pacifique et ses grandes baies sauvages. 
C’est drôle, je ressens toujours un air de vacances lorsque je pédale près des côtes, j’adore. 


En descendant vers le sud, je m’enfonce dans la palmeraie et rejoins Rio Seco. 
Patricia et Gil m’accueillent dans une magnifique demeure. 
Une parcelle d’un demi-hectare avec des centaines d'orchidées, plantes et arbres. 
Ces deux belles âmes me partagent leur pratique de la médecine holistique et quantique. 
Le voyage est plus que jamais l’occasion de s’ouvrir à mille pratiques et croyances. 
C’est si riche de rencontrer la réalité de chaque humain, de la partager et de la tolérer. 

Je continue mes bivouacs sur la côte pacifique par la Playa Linda et la Playa Ventanas. 
De la chaleur aux pluies tropicales, à la croisée des paresseux, singes, ratons laveurs ou hiboux. 
Le Costa Rica me marque par sa richesse faunique et florale. 

À Jalaca, je suis accueilli par la famille de Luis Fernando. 
Il me partage l’histoire de sa vieille maison costaricienne, 100 ans d’histoires.
Les compagnies bananières américaines construisaient ces baraquements en bois pour loger les travailleurs des champs de bananes. 
Le lundi 15 Août, je reste célébrer « El dia de la madré » avec toute sa famille. 
Au menu, une « Olla de carne », un délicieux bouillon de boeuf et de légumes. 

Un tour vers le Corcovado 

Avant de rejoindre le Panama, je décide de visiter une partie de la péninsule du Corcovado réputée pour sa richesse environnementale. 
Par Rincon Del Ojo, je parviens au magnifique « Golfe Dulce ». 
Au bord de ce golfe aux allures de lac se chamaillent les lapas et lorros. 

Je rencontre Juan et Kenneth qui m’invitent pour un soupé. 
Le lendemain, ils me prêtent un canoë pour visiter les alentours. 
Ibis, héron et urubus se joignent à cette belle balade. 
Puis tranquillement je retrouve le bitume pour filer à Puerto Jimenez et Golfito. 


Un faux départ pour le Panama 

Le 19 Août, au galop de cheval, je m’apprête à traverser la frontière costaricienne-panaméenne par Paso Canoas quand un obstacle me heurte : le COVID 19.
Le résultat est sans appel : 10 jours d’isolement. 

L’expérience de la chambre jaune 

Avec mon assurance et le ministère de la santé, je conviens d’un logement à l’hôtel Osly.
Habitué à me laisser porter par le vent, je dois m’occuper pendant 240 h dans un 25m2. 
Je lis, j’écris, j’appelle ma famille, mes amis, je pense, je me tatoue, je cuisine, je travaille mes projets, je danse, je chante, je ris, j’écoute de la musique, je regarde des films… et voilà que c’est fini.

Les 240h passent à la vitesse de la lumière, j’ai l’impression d’avoir vécu une journée à rallonge. 
De ces 10 jours, je retiens UNE expérience, alors que lorsque je suis sur la route, en 10 jours je retiens DIX expériences. 
Le mouvement et la multiplication des bivouacs me donnent la sensation d’ajouter des années à ma vie. 
Cette expérience d’immobilisation me rappelle les bienfaits de l’aventure à vélo. 

Alors que je pense pouvoir rejoindre le Panama, je dois patienter 4 jours supplémentaires. 
Je m’en vais pour un dernier baroud d’honneur costaricien à la Playa Pavones. 
Un joli havre de paix envahi par les surfeurs.

Je profite de cette liberté retrouvée et bientôt le Panama s’ouvrira à moi.

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Nicaragua : du Pacifique à l’Atlantique, des volcans, à la jungle.