Une semaine Sibérienne autour du mythique Lac Baïkal
Irkoutsk, appelée "Le Paris de la Sibérie" pour son patrimoine architectural m'ouvre ses portes.
À cent kilomètres de la Mongolie, je plonge dans la Sibérie orientale.
Pour les amoureux de la techno, je suis dans le fief de Nina Kraviz.
Non loin du lac Baïkal, cette ville est un arrêt obligatoire des voyageurs du Transsibérien.
Direction le Rolling Stone Hostel, une auberge rayonnante de convivialité. Quel bonheur de retrouver une douche après ces quatres jours de train.
Je me rends rapidement compte d'une chose : la banalité du transsibérien ici. Tous les voyageurs de l'hostel sont venus avec cette locomotive.
Une journée de repos à se prélasser dans les canapés. Chacun y va de son histoire, de son aventure. Nous préparons tous notre excursion baikalienne.
Les bons plans se partagent comme des petits pains. Un groupe de huit étudiants moscovites en partance pour l'île d'Olkhon me donnent leur programme. Puis je sympathise avec Fanny toute droite venue de Finlande. En trente minutes, nous décidons de faire équipe. Nous partirons demain à
l'assaut du Lac Baïkal.
Le Lac Baikal par l'île d'Olkhon
Le lac Baïkal, c'est le lieu de rendez-vous des amoureux de la Russie. Outre sa beauté, ce lieu sacré contient la plus grande réserve d'eau douce du monde. Un volume d'eau 23 fois supérieur au lac d'Annecy. C'est dire le gigantisme du lac le plus profond et le plus ancien de la planète Terre.
"La Perle de Sibérie" fascine et questionne par son côté mystique. S'y baigner apporterait chance et prospérité. Le peuple Bouriate, une ethnie Mongole vit autour de ce lac. Cette population de 515 000 individus s'étend sur la région de Bouriatie (Russie) et les pays limitrophes (Mongolie, Chine).
Ce Vendredi 25 Octobre, nous partons à sa rencontre en quittant Irkoutsk.
Un minibus nous tracte durant six heures à travers la Taïga et les plaines où règnent les chevaux sauvages.
Puis nous embarquons à bord du seul ferry qui permet d'arpenter l'Île d'Olkhon et entrons sur les pistes fracassées de ce paradis.
L'île d'Olkhon est située au milieu de ce lac. Entourée d'eau l'été et de glace l'hiver. C'est une réelle prouesse géologique de notre planète.
Plonger au fond du lac relève d'un exploit inhumain : 1637 m de profondeur.
Grimper sur le toit de l'île relève d'une ascension jurassienne : 816 m de hauteur.
Nous siégeons à Khoujir, le principal village de l'île.
Dans ce froid de fin d'Automne, nous allons profiter du coucher du soleil proche du rocher sacré "Shaman Rock". C'est un lieu culte du chamanisme sibérien. D'étonnants rondins de bois décorés par des tissus multicolores nous entourent. Ce sont des traditionnelles offrandes chamaniques.
Le soir, nous retrouvons le groupe d'étudiants moscovites et festoyons gentiment autour d'une partie de "Durak" - le jeu de carte national de la Russie -.
Depuis Khoujir partent les tours touristiques pour visiter l'île. Durant deux jours, Sacha, un russe membre de la communauté bouriate se charge de notre excursion.
Le Samedi sous un grand soleil, nous partons en visite sur la partie sud de l'île. Nous nous baladons dans un 4x4 au milieu de la steppe où cohabitent les animaux sauvages : chevaux, vaches et renards. Le vent souffle sur ces plaines rocailleuses. La végétation y est jaunâtre. Le paysage éblouit nos yeux ébahis. Le lac Baïkal ne nous déçoit pas.
Dans la voiture où résonnent des musiques traditionnelles mongoles, notre guide nous confectionne une somptueuse soupe de poisson.
A l'orée de la nuit, nous rentrons à l'heure pour la demi finale opposant les All Blacks au quinze de la Rose (7-19)
Le Dimanche, c'est la tempête. Dans le ciel, la neige a remplacé le soleil. Le Baïkal nous offre une nouvelle facette de son dantesque climat.
Nous partons à la conquête du nord de l'île. Sur ces routes bosselées, nous sommes chahutés mais envoûtés par ces superbes décors.
Au terme d'une belle journée, vient l'heure de la purification et des au revoirs avec l'Île d'Olkhon.
Sous les 0 degrés ambiants, nous nous nouons en sirène dans les eaux glacées du Baïkal. La légende dit que nous avons gagné 7 ans de vie.
Mon corps me dit que je suis con.
Le Lac Baïkal par Listvianka
De retour au Rolling Stone à Irkoutsk, je me lance dans la préparation d'un étonnant poulet au cola.
La main lourde sur les portions, je partage le repas avec ma compère Fanny et "Amour Nomades" - plus communément appelés Pauline et Tom -.
Nous décidons de nous rendre tous ensemble à Listvianka sur les rives du lac Baïkal.
Une heure de bus pour se rendre dans ce village balnéaire.
Un tour dans le marché local pour déguster du Omoul, le poisson vedette du Baïkal. Et nous errons, heureux, sur les plages de galets.
Dans l'après-midi, Vadim, un russe s'approche de nous et nous lance un "Vodka ?!". Comment refuser ? C’est une coutume russe. Il sort une première bouteille que nous buvons accompagné d’un étrange sirop de citron. Puis une deuxième et voilà qu'il nous offre à Tom et moi un flacon de parfum.
Nous continuons cette belle après-midi ivre de bonheur dans un sauna au bord du lac avant de rentrer sur Irkoutsk.
24h d'expédition seul dans les forêts sibériennes : objectif Pic Lyubvi
En quête d'une dernière expérience sibérienne avant de reprendre la route vers l'Est, je pointe le Pic Lyubvi.
Inconscient mais confiant, je pars pour Archan, un village se situant dans la vallée de la Tounka. Trois heures de minibus pour arriver dans ce village de Bouriatie.
Innocemment je me lance dans cette randonnée en pensant prendre 1h30. J'avais pas prévu un tel dénivelé (1320m). Chargé comme un mulet, je
prends 5h à grimper dans cette forêt enneigée.
Les mésanges m'accompagnent et me chantent dans les oreilles.
Je sue et je fanfaronne tel un hurluberlu omnibulé par son objectif.
En fin de journée, je m'extasie à 2 120 m d'altitude devant le soleil se couchant et dorant la vallée de la Tounka.
Il est trop tard pour redescendre en bas. De nuit je risque de me perdre ou pire dégringoler d'une falaise.
Je décide de bivouaquer. Une souche d'arbre me fera office d'abri.
Dans la neige je plante ma tente d'été d'une seule épaisseur, j'installe mon sac de couchage confort 10 degrés et je me prépare à cette nuit froide.
Je me fais un feu tout en dégustant ma soupe. Par peur d'embraser la forêt, je l'éteint avant de rejoindre ma tente.
Dans la pénombre d'une nuit seul en Sibérie, la peur prend le dessus sur le froid.
Je m'imagine être le festin d'une famille ours ou d'une meute de loup. La Sibérie en compte des milliers.
Quelle étrange sensation de se sentir proie dans un milieu si hostile.
J'y suis, dans "MON" expérience sibérienne. Explorer cette nature et s'y sentir seul et perdu.
Ici l'être humain, l'être animal et l'être végétal cohabitent. Personne ne peut prétendre régner. Seul la force ou la ruse comme outil de survie.
Je tremble. Je me jure de plus jamais refaire cela. Je prie les cieux de m'accorder un lendemain. J'écris dans mon calepin un mot pour me souvenir de ce moment.
A 5h du matin, au milieu du froid de la nuit. Mon coeur s'emballe et je vois la fin de ma vie arriver.
J'entends des grognements d'animaux autour de ma tente. Un cauchemar ? Non. Par instinct de survie je m'empare de ma lampe frontale d'un
couteau et saute devant la tente en poussant un hurlement de toute mes forces. Je ne vois rien. Ai-je repoussé les envahisseurs ? Je virevolte de tous les côtés, à l'affût de quelconque mouvement, prêt à me battre corps et âmes.
Quand tout à coup je vois les oreilles pointues d'un animal, puis deux, puis trois, puis quatre. Ce ne sont pas des loups, mais des chiens. Quelle frayeur !
Dix minutes plus tard, je perçois la frontale de deux randonneurs russes. On échange trois mots et une poignée de main rassurante. Je crois qu'ils ont eu aussi peur que moi.
Sur les quatre chiens, l'un d'eux reste avec moi. J'ai l'intime conviction qu'il a senti ma peur et reste pour me protéger. Ces chiens-loups semblent sauvages et règnent sur la vallée.
Durant 4 heures, je suis assis à attendre le lever du soleil. Le chien est allongé sur moi et me réchauffe. Je nous recouvre de mon sac de couchage. Le thé boue. Je suis en vie.
Au petit matin, le soleil resplendit sur la Tounka. Je plie baggage l'esprit rassuré. Le chien me voyant prêt à repartir s'échappe à toute allure dans la vallée. Je mets trois heures à descendre, mon flair et ma vue comme GPS.
Je commence à ressentir mes pieds qui sont frigorifiés depuis des heures. Ils me font mal. Je constate mes orteils bleus. Dans la nuit, par peur des engelures, je les ai frappés pour faire circuler le sang. Un peu trop fort je crois.
Le bilan, c'est que mes deux ongles d'orteils ont fini par noircir et tomber.
C’est plein de souvenirs que je quitte Archan et retourne à Irkoutsk, heureux d'avoir dépassé mes limites.
Une chose me paraît essentielle dans cette aventure : le corps humain est étonnant et résistant tant que la tête suit, mais ne jamais repartir avec du matériel de fortune dans de telles conditions.
Merci la Sibérie.
Je reviendrai.