78h de Transsibérien d'Irkoutsk à Vladivostok

C'est l'heure de quitter cette belle Sibérie.
Cette Sibérie qui m'a rempli de beaux souvenirs. C'est certain, je reviendrai.
De nouveau, je m'apprête à passer plus de trois jours dans un train.
Les provisions sont faites : pâtes et soupes minute, thé et sucreries.
Rien d'exceptionnel, seulement de quoi satisfaire ma faim et mes pulsions culinaires.
Ce 2 Novembre 2019, j'assiste au sacre “rugbystique” de l'Afrique du Sud face aux Anglais et rejoins les quais de la gare d'Irkoutsk.
En route vers l'Est du monde dans la frénésie du tchou tchou quotidien.

Prendre son billet au dernier moment réserve quelques mauvaises surprises. J'ai la pire place du wagon. Je suis côté couloir et collé à la porte des toilettes. Dès la première nuit je comprends ce que je vais endurer durant les 78 prochaines heures : le claquement des portes et le relent nauséabond des excrément de 60 voyageurs.

Mes compagnons de wagon n'ont pas plus de 12 ans et ils portent tous un survêtement bleu et rouge.
Je suis avec les petits hockeyeurs d’Angarsk. Un à un ils viennent réciter les quelques mots d'anglais qu'ils connaissent. L'un d'entre eux sort du lot et nous pouvons avoir une réelle conversation. Devant le ricanement de ses camarades, il m'explique qu'ils ont un tournoi de hockey dans une ville voisine. Voisine de 24 h de train, c'est comme cela en Russie, on se déplace en train !

Les hockeyeurs sont descendus. Ce sont les danseuses de Pavlovitch (ville de Khabarovsk) qui prennent place. Les danseuses et LE danseur
ainsi que les mamans encadrantes. Ces mamans accompagnaient ces enfants à un ballet. Ils sont sur la route du retour et me montrent fièrement les vidéos du week-end. L'instinct maternel des mamans est drôle. Elles me questionnent sur mon voyage avec un brin d'inquiétude de me voir perdu ici dans la Russie Orientale.

Pour m'occuper, je me restaure au wagon-restaurant du transsibérien. J'observe un Russe éméché s'enfiler des shots de vodka tout en mangeant. Le ventre plein, il repart en tanguant vers sa couchette.
Con que je suis, cela me donne des idées...

Une drôle d’expérience transsibérienne

Les heures passantes, je dors, je lis et je tente de dialoguer avec mes compères de compartiment.
En début de soirée, je me décide à réaliser la même expérience que ce Russe de la veille.
Je traverse les sept wagons pour rejoindre le wagon infernal.
Dans l'un des wagons, je croise des amis rencontrés la veille, je les salue et leur signale que je reviens après le dîner.

Je prends place dans le restaurant. Je commande du poisson, du lard, des pommes de terre et une fiole de vodka.
La vodka se déguste comme des verres d'eau ici, coutume russe.
Sylvain Tesson dit que c'est après le cinquième shot que l'inspiration vient.
Un, deux, trois shots et puis je converse avec les serveuses du wagon-bar.

Ce wagon-bar, c'est leur maison. Ils sont trois à se relayer durant 10 jours et s'assurer de remplir les panses des voyageurs affamés et assoiffés.

J'ai l'humeur chantante et pensive, je me projette dans la suite du voyage tout en écrivant. Je m'imagine ma vie en Nouvelle-Zélande. Je note dans mon calepin deux objectifs : le triathlon du 23 Février à Auckland et la descente de la Nouvelle-Zélande en vélo. Lorsque je me note un objectif, cela devient une réelle obsession. Un leitmotiv pour continuer à avancer dans mes rêves.

Le ventre plein et le cerveau oxydé, je retourne vers mon wagon et je fais escale au compartiment de mes amis russes.
L'alcool est interdit dans les couchettes, mais autour d'une partie de Durak (le jeu de carte du transsibérien), mes nouveaux amis continuent de servir quelques bolées dans des tasses à thés.
Nous rigolons, bien que le dialogue soit limité. Ils essaient de m'apprendre quelques mots en russe "Привет Меня зовут Констан. Я француз. Cпасибо : bonjour, je m'appelle Constant, je suis français. Merci".
Un jour, j'apprendrai le russe et j'irai dans ces contrées lointaines m'imprégner de ces cultures.
Je rêve de passer un hiver dans la région de Yakoutsk où les températures flirtent avec les -60 degrés et où le peuple survit grâce à la présence des yaks. Ou bien de traverser le Kamtchatka avec des chiens de traîneaux.
Ce gigantesque pays regorge d'endroits fascinants et si différents. Seule la langue russe lie ces régions du monde.

Après une belle soirée, je quitte mes amis de Blagoveshchensk.
J'enfile mes chaussures à bascule pour retourner jusqu'à mon wagon. La vodka ne pardonne pas. Russe ou breton, les métabolismes sont logés à la même enseigne.

En arrivant à mon compartiment, je réalise que mes compagnons de train sont descendus. C'est parfait, je peux m'allonger sur le lit du bas.
Deux heures après avoir rejoint les bras de Morphée, de nouveaux compagnons de train montent. Je retourne dans mon perchoir d'un mètre de largeur.
Dans la nuit, pensant être dans un king size, je tente la roulade latérale et BOUM. C'est la chute. J'ai réussi à tomber du lit du haut.
Deux Russes s'empressent autour de moi pour me porter secours.
Tout va bien, je remonte dans mon perchoir.

Au réveil, je salue mes nouveaux camarades de chambre. Les sourires s'esquissent, les questions pleuvent, on m'offre thés et clémentines. Bref une gueule de bois dans une belle atmosphère.

Drôle d'expérience, mais c'est aussi ça le Transsibérien.

Puis le dernier jour de Transsiberien vint.
Les dernières des 990 gares.
Les derniers des 9 000 km.
Les dernières des 161 heures.
Vladivostok me voilà.

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