Le confinement : de la vie en auberge à la forêt au métier de docker

Cinq semaines dans le Paradiso Backpackers à Nelson

Trois heures de ferry pour rejoindre Picton et une journée de vélo pour Nelson quand la pluie me contraint à me reclure dans une auberge. Une simple nuit qui se transforme en cinq semaines.

Le Lundi 22 Mars, la menace du confinement pèse dans le monde entier.
Elle sera effective le Mercredi 24 Mars en Nouvelle Zélande.

Nous voilà confinés à soixante dans une auberge aux aires de club de vacance : piscine, jacuzzi, sauna, terrain de volley, salle télé, bibliothèque… De quoi bien nous occuper.
Nous avons de 18 à 55 ans.
Nous sommes français, allemands, italiens, finlandais, danois, norvégiens, israeliens, canadiens, kiwis, américains, hollandais, anglais.

Petit à petit un quotidien s’installe, les journées se suivent et se ressemblent. Les semaines passent à une vitesse folle.
C’est à ce moment que je me rends compte que la vie sur un vélo est plus longue, plus intense et plus remplie. Le constant mouvement du cycliste allongerait notre vie ? J'en suis persuadé.

Une journée quotidienne au Paradiso Backpackers

Chaque jour je me réveille vers 9h dans ma petite maisonnette “le Cottage” que je partage avec Celia et Kevin.
Dès que mes yeux sont grands ouverts, je me rend vers la cuisine prendre mon café armé de mon bouquin - Into the wild en anglais que je mets une plombe à lire -.
Chaque matin, même routine, Michel fait son footing. Vers 10h, les membres du staff commencent à s'agiter, la musique résonne, on frappe aux portes, Simon aspire, Katarina chante, les dormeurs grognent, la maison est réveillée.

Puis commencent toutes les activités.
Les lecteurs prennent place sur les transats au bord de la piscine.
Les piplettes refont le monde autour des cafés philosophiques.
Les sportifs suivent les cours de notre professeur Jessy.
Les joueurs de billard commencent à arpenter les canes.
Les finlandais bricolent.
Les joueurs de Ping-Pong tentent de rivaliser avec Joris.
Les stratèges se font humilier aux échecs par Maximilien.
Les joueurs Fifa se chambrent pendant que je mets des raclées à Maxence et Oskar.

Nous sommes en “level 4” en Nouvelle Zélande.
Pour notre auberge, les consignes sont strictes, nous ne pouvons pas sortir de la maison.
Seule une navette journalière de huit personnes est autorisée à s'évader pour les approvisionnements.

Pendant ce temps les paresseux chillent dans les hamacs.
La vie suit son cours dans la maison des secrets.
Les bretons ambiancent le camp avec de la frapcore.
Pendant que les canadiens grattent la guitare.
Blaze prepare la soupe quotidienne pour le diner.
L'apéro se lance dans les allées. L'alcool est prohibé mais coule discrètement dans les tasses à thés.
Certains se plient aux soirées canapé pendant que la malice s'empare des plus rusés pour des soirées mouvementées. .

Et rebelote jusqu’au 30 Avril 2019.
Durant 6 semaines, nous aurons vécu une belle expérience sociale et créés des beaux liens amicaux.
La Nouvelle Zélande passe en niveau 3, la vie va reprendre son cours.
Je quitte le Paradiso avec une appréhension comme toutes les fois où je quitte des cocons.

Deux semaines dans une forêt à Takaka

90 km de pédalier pour rejoindre la région de Golden Bay.
Via la plateforme Helpx, j’ai trouvé un hébergement de deux semaines dans une forêt à Upper Takaka.
De nuit et à bout de force, Djura et Couille m’accueillent aux bougies et me montrent ma caravane. Un havre de paix pour mon corps usé.

Lors de la première journée, nous partons en vadrouille dans les campagnes alentours. Ce sera ma seule sortie des quinze jours.
Des communautés aux magasins locaux, nous récupérons des produits alimentaires pour compléter les manques de notre camp.
Golden Bay est la région hippie néo-zélandaise. Il y règne une agréable atmosphère où chaque communauté cultive et vit entre elle.
L'une nous approvisionne en citron, l'autre en feijoas, l'autre en pomme de terre, l'océan nous offre coquillages et algues pour le
jardin, et les magasins organiques des graines en tout genre.
Des vingtenaires aux septuagénaires, de l’horticulteur à la grand-mère paraplégique bénie de Jah, ces gens semblent vivre un mode de vie coupé de l'agitation du monde extérieur.

De retour sur notre campement, c'est parti pour cette quinzaine dans cette petite communauté de trois personnes. Le seul programme étant ; pas de programme..
Chacun vogue à ses activités et aux tâches du camp comme il l'entend.
Balade en forêt, cueillette de champignons, confections de pains, de confitures, construction d'un jeu d'échec, jardinage, élagage, sieste : je m'éclate seul dans cette micro société.
Nous nous retrouvons parfois le soir pour quelques parties de cartes - le potatoes head - durant lequel je découvre le tempérament de mauvaise perdante de Djura.

Le soir de la pleine lune, nous faisons une cérémonie spirituelle sous des chants aux tonalités indiennes : le mantra Om.
Djura et Couille m’expliquent leur quête spirituelle.
Djura l'a trouvé depuis sa rencontre avec son Guru aux Etats-Unis et possède un lien unique avec la nature.
Depuis trois ans, elle vit sans maison : “avoir une maison, c'est créer des barrières au monde extérieur”. Ce mode de vie demande de s'adapter au soleil. Clairement les journées pluvieuses sont longues.

J’apprends une autre notion du partage.
J'apporte beaucoup d'importance aux partages des repas et cela est certainement lié à mon éducation et ma culture.
Djura et Couille non. Nous ne mangeons jamais ensemble.
Nous partageons la découverte de nos champignons mais pas les repas.

Cette expérience est un bel enseignement sur la vie, une vision autre de celle que je connais, un partage différent et un apprentissage pour mon futur.

Deux semaines comme docker à Nelson

La Nouvelle Zélande passe en level 2 et l’occasion de travailler se présente.
Avant de reprendre la route vers le sud du pays, j'obtiens un poste de docker sur le port de Nelson.

Mon travail est de décharger les bateaux des industriels de la pêche.
Un boulot rude dans le froid (-20 degrés) à porter des choses lourdes.
L'immensité des cales de bateaux me laisse sans voix.
Un bateau part un mois et demi et ramène 650 tonnes de poissons directement traités et empaquetés.
C'est cette industrie qui vide nos océans et tue nos petits pêcheurs.
Mais c'est cette même industrie qui emploie des personnes dans le besoin.
Mes collègues sont d’anciens camés, des gars des îles, des maoris, des étudiants et des backpackers.
Je n'aime pas segmenter notre population mais c'est un constat consternant du racisme ancré et ambulant.

Ce travail qui me rappelle mon expérience dans un abattoir de cochons à La Guerche apprend l'humilité, le courage, la valeur de l'argent, le monde que nous avons construit et que nous devons changer.

Un jour j'ai déchargé un immense bateau russe et vécu une expérience très drôle : une conversation entre un maori et un russe.
Des mondes les opposent, seuls les gestes comme langage et le métier comme lien de connexion.
J'étais du côté des maoris et j'ai lancé en russe “Privet, menya zovut Constant”. Ce qui força les sourires bien que la conversation n'est pas allée plus loin malgré le fait qu’ils arrivaient de Vladivostok.
Les gestes restent le langage international.

Bientôt de retour sur le vélo.

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